le football à l’américaine

4 mars 2025

Depuis pratiquement 20 ans, aux États-Unis, le football, ou plutôt le « soccer », se démocratise de plus en plus comme un sport populaire. Après l’édition réussie de la Coupe du Monde de 1994 et les résultats plus que gratifiants de l’équipe nationale féminine, quatre fois championne du monde, le football s’est installé comme un sport qui compte. Il ne figure cependant qu’en 6ème position sur l’échelle de popularité chez les Américains, après le football américain, le hockey sur glace, le baseball, le golf et enfin le basket. Les investissements colossaux ne cessent de croître de l’autre côté de l’Atlantique, mais alors, comment cela fonctionne-t-il ?

Le système de franchise

Tout comme le basket avec la NBA, le football américain avec la NFL ou même le hockey avec la NHL, le championnat de football fonctionne avec une ligue fermée : la MLS (Major League Soccer), divisée en conférences (Conférence Ouest et Est). À l’Est, 15 franchises se battent pour le titre et à l’Ouest, 14. À noter que 3 équipes canadiennes font également partie de ce championnat nord-américain (CF Montréal, Toronto FC et les Whitecaps de Vancouver). C’est un fonctionnement bien différent de ce qu’on peut connaître en France et même partout ailleurs dans le monde. Une ligue fermée signifie qu’il n’y a pas de montées ni de descentes. Si une franchise finit dernière de la MLS, elle jouera toujours dans le même championnat la saison suivante. Mais alors, comment y entrer ? Eh bien, à l’image des USA, il faut payer…

Le montant d’entrée en MLS en 2024 se situait aux alentours de 200 millions de dollars, c’est donc le prix payé par les deux nouvelles équipes du championnat, « Saint Louis City SC » et « Sacramento Republic FC ». Pour information, le prix d’entrée en 2008 était de 37 millions de dollars.

Même si le championnat est rattaché à la fédération, ces ligues fermées restent orchestrées par des organismes privés.

La naissance

Il faudra attendre 1968 pour qu’un championnat professionnel de football s’installe aux USA, la NASL (North American Soccer League). Une naissance qui aura pris du temps, mais l’ambition est là. C’est maintenant clair, les franchises sont des entreprises et un moyen de faire de l’argent pour les investisseurs. Mais alors, comment mettre la lumière sur ce néo-championnat ?

Proposer des salaires d’empereurs à des stars à bout de souffle, ce sera le cas pour des joueurs comme le Roi Pelé au Cosmos de New York ou même Johan Cruyff aux Los Angeles Aztecs puis aux Washington Diplomats. La liste s’allonge avec des profils comme Franz Beckenbauer ou la star portugaise Eusébio. L’objectif : transformer un sport réputé comme ennuyant par les Américains en un véritable spectacle de la comédie de Broadway. Les Américains ne comprennent pas le système du match nul ; pour eux, c’est écrit dans le nom, c’est « nul ». Deux ou trois coups de pinceaux et les matchs se terminant par un score d’égalité se finiront désormais par une séance, non pas de tirs au but, mais bel et bien une séance un contre un entre le gardien et l’attaquant. Le joueur part du milieu de terrain, balle au pied, et s’en va affronter le gardien en duel. La NASL fera faillite en 1984…

Coupe du monde, l’élément déclencheur



Dix ans après l’échec cuisant de la création de la NASL, la FIFA contraint les USA à de nouveau créer un championnat professionnel dans le cadre de leur candidature comme pays hôte pour la Coupe du Monde 1994. Les investisseurs sont compliqués à dénicher suite à la faillite de 1984, mais le pari est réussi en 1996, la MLS voit le jour. Le modèle est pratiquement le même, une ligue fermée, mais cette fois-ci, on revient à un football traditionnel avec les règles dites de base. Le spectacle se fera autrement.

En Europe, lorsqu’on finit premier du championnat, on est sacré champion. En MLS, non… Le championnat de soccer va encore une fois s’inspirer de ses homologues tels que le basket ou le football américain et met en place un système de play-offs. Les neuf premières équipes des deux conférences s’affrontent dans un mini-championnat à élimination directe. Plus une équipe finit haut dans le classement lors de la saison régulière, plus elle affronte les équipes ayant fini dans les dernières places qualificatives pour les play-offs.

Un modèle qui sera critiqué en Europe mais rapidement imité. Aujourd’hui, même en France, le système de play-offs s’est installé dans le championnat de Ligue 2 (2ème division française), afin de jouer les barrages face au 16ème de Ligue 1. Le 5ème de Ligue 2 ira affronter à l’extérieur le 4ème, et le vainqueur de ce match ira affronter le 3ème à l’extérieur également. Enfin, le gagnant de ce match affrontera donc le baragiste de Ligue 1 dans une confrontation aller-retour. À noter qu’en première division belge, le système de play-offs est aussi utilisé.

Afin de se frotter aux équipes européennes et de se montrer en avant sur la scène footballistique, tous les ans, les meilleurs joueurs de la saison forment une équipe, la « MLS All Stars », et affrontent différentes équipes du monde entier dans des rencontres amicales.

Le retour des stars

Afin de façonner son image aux yeux du monde, la MLS, tout comme la NASL, décide d’investir dans des grands joueurs en fin de carrière, si possible avec un nom et un physique vendeur, à l’image de David Beckham qui rejoindra le Los Angeles Galaxy en 2007 et y restera tout de même 5 ans, malgré un prêt à l’AC Milan en 2009. L’objectif n’est plus de proposer des salaires mirobolants aux « anciennes » gloires du football, mais bien de leur proposer un plan de carrière tout tracé. Pour Beckham, une clause lui donne le droit de créer sa propre franchise à la fin de sa carrière et donc de ne pas payer les droits d’entrée en MLS. Une proposition intéressante pour l’international anglais et ancienne gloire de Manchester United. Il prendra sa retraite en 2013 et attendra que les droits d’entrée en MLS soient vraiment élevés avant de fonder, en janvier 2018, « l’Inter Miami CF ». La franchise rejoindra la MLS pour la saison 2020.

D’autres grands noms, notamment français, signeront en MLS, tels que Thierry Henry ou même plus récemment Hugo Lloris en 2024, ainsi qu’Olivier Giroud. Il est certain qu’un certain Antoine Griezmann devrait les rejoindre incessamment sous peu…

L’ère MESSI



En fondant l’Inter Miami en 2018, David Beckham n’a qu’un rêve : signer le meilleur joueur de tous les temps : Lionel Messi. La star argentine quitte son club de toujours en 2021 et rejoint le Paris Saint-Germain. Alors que les Parisiens n’attendent qu’une chose depuis l’arrivée de QSI en 2011, la Ligue des Champions, leur espoir prend un coup de boost lorsque l’attaque du PSG se compose de ce qui se fait de mieux sur la scène mondiale : « Messi, Neymar, Mbappé ». De désillusion en désillusion, l’attaque de feu ne fera pas de merveilles et créera une réelle cassure au sein du club. Messi, lui, brillera de son côté en remportant un 8ème Ballon d’Or et, le plus attendu de tous ses trophées, la Coupe du Monde 2022.

Après deux petites saisons, il est l’heure pour Messi de tirer sa révérence avec le football européen. Alors qu’en Arabie Saoudite, des clubs lui proposent des sommes faramineuses, il tiendra sa promesse et rejoindra l’Inter Miami à l’été 2023. Un salaire moins important qu’en Europe, qui reste toutefois très élevé : on parle de 50 à 60 millions de dollars à l’année. À titre de comparaison, en Arabie Saoudite, son éternel rival, Cristiano Ronaldo, lui touche près de 200 millions d’euros pour une saison. À prendre en compte également, pour éviter toute faillite, les franchises sont contraintes de respecter la même charge salariale ; le club peut autoriser seulement trois joueurs à être payés de manière plus excessive. Toutes les équipes se valent donc à peu près. Quand on regarde sur les dix dernières saisons, la MLS a connu 8 champions différents, comme quoi tout n’est pas à jeter.

Cependant, ils partageraient avec le club les revenus générés par Apple et Adidas, tous deux sponsors de la MLS. Plusieurs sources disent que Messi pourrait bénéficier de la même clause que David Beckham et qu’il pourrait créer lui-même sa propre franchise quand il partira à la retraite. D’autres parlent d’un poste à la direction de son club actuel. Cela dit, c’est un pari réussi pour l’Inter Miami, la MLS et les États-Unis. L’ère Messi est un réel tournant pour l’avenir du ballon rond. La popularité du football ne cesse de croître, ramenant de saison en saison de plus en plus de fans. Certains sont là juste pour dire « j’ai vu Messi », mais ne doutons pas du fait que des amoureux du meilleur sport du monde naissent tous les jours dans le pays de tous les possibles.


Julian Le Moigne